2023

Population & santé

Les réflexions en santé publique s’accordent sur le fait que pour répondre aux défis du vieillissement d’une part et pour maîtriser l’évolution du système de santé (et de ses coûts) d’autre part, il convient de renforcer la santé communautaire et de penser les soins de manière intégrée.

Globalement, il devient nécessaire de défragmenter le système suisse actuel et d’intégrer les acteur·trice·s dans une collaboration large. Et l’Hôpital là-dedans ? Justement, l’Hôpital doit se poser la question de son rôle dans cette évolution. Il doit la soutenir et la catalyser dans la mesure du possible. Même si les logiques institutionnelles et les mécanismes de financement actuels poussent les acteur·trice·s à persévérer dans la voie classique, l’HRC estime nécessaire de faire évoluer son engagement dans ce sens. Les explications de Christian Moeckli, Directeur général et de Vincent Matthys, Directeur du Réseau Santé Haut-Léman (RSHL).

Pourquoi ces réflexions ?

Ch. Moeckli : Ces réflexions sont nées d’un contexte : d’une part, le système de santé actuel est sous tension, notamment financière, comme l’illustrent les débats politique actuels ; d’autre part, la population vit plus longtemps, ce qui est une évolution importante et réjouissante. Bonne nouvelle également : l’augmentation de l’espérance de vie de ces dernières années est avant tout une augmentation des années de vie en bonne santé. Passé un certain âge toutefois, les patient·e·s présentent des pathologies chroniques et multiples. Cette polymorbidité fait que leur prise en charge est devenue plus complexe. Elle nécessite une organisation interdisciplinaire très poussée entre généralistes et spécialistes, et tous les professionnel·le·s de la santé. Or, à l’heure actuelle, le parcours patient·e manque de coordination. Il est trop souvent hospitalo-centré, et les prestations de chaque partenaire ont été pensées de manière plus ou moins isolée. Le système de financement ne promeut pas non plus cet investissement nécessaire dans la coordination.

Quels sont donc les objectifs aujourd’hui ?

V. Matthys : Notre système actuel est encore très orienté sur la prise en charge de la personne malade ; il s’agit de déplacer le curseur, non plus sur le seul traitement des maladies, mais aussi sur la promotion de la santé. Il faut donc penser « besoins en santé », en prenant en considération la situation de la personne dans sa globalité et en agissant sur les déterminants de la santé que sont, entre autres, les conditions socio-économiques, culturelles ou environnementales. Pour cela, il nous faut élargir une vision « hospitalocentrée » encore très présente.

Ch. Moeckli : Aujourd’hui, nous savons très bien nous coordonner avec les différent·e·s partenaires lorsque la crise est là. L’objectif de l’HRC, demain, est d’intégrer les prestations dans une vision préventive globale et, partout où cela est possible, d’améliorer les parcours de soins en collaboration avec les intéressé·e·s et les partenaires socio-sanitaires.

« Changer de cursus et intégrer les prestations dans une vision globale »

 

Par exemple ?

V. Matthys : Nous pouvons prendre l’exemple de la Consultation Gériatrique Ambulatoire (CGA), fruit d’une collaboration entre l’HRC et le Réseau Santé. Outre la détection et la prise en charge des syndromes gériatriques, la CGA s’est donnée pour objectif d’améliorer, justement, la qualité de vie des personnes qu’elle reçoit. Une attention tout particulière est portée aux proches, un moment d’échange leur étant réservé. Actuellement, environ 70 % des entrées en EMS se décident et s’organisent après une crise, lors d’une hospitalisation. Une coordination accrue, une meilleure anticipation et la prise en compte des déterminants de la santé, devraient ainsi renforcer le maintien à domicile et permettre d’en profiter pour préparer, si besoin, un projet de vie en EMS, sans avoir nécessairement besoin de passer par la case « hôpital ». Ch. Moeckli : Une autre initiative qui touche cette fois-ci directement l’Hôpital est « le suivi post-traitement en oncologie ». Comment répondre aux besoins d’une personne qui a été opérée avec succès d’un cancer et déclarée « guérie » ? Comment l’accompagner dans son chemin de retour à une vie plus normale ? Nous avons créé un groupe de travail constitué de patient·e·s, médecins spécialistes et partenaires socio-sanitaires pour réfléchir à ces questions. Le projet a abouti à la création d’un poste d’infirmière coordinatrice, financé par le Réseau Santé Haut-Léman. Cette personne va accompagner le·la patient·e dès la fin de son traitement aigu. Le but est de soutenir ces personnes dans la suite de leur guérison et éviter des problèmes connexes.

Ce changement de paradigme impliquera inévitablement des coûts, comment assurer leur financement ?

V. Matthys : Le financement des actions de promotion de la santé est en effet difficile à trouver, à l’exception de projets souvent ciblés et généralement limités dans le temps. Une pesée d’intérêts devra être faite avec tous les partenaires concernés, dont la Confédération, les cantons, les communes et les assureurs, afin d’investir dans le domaine. Actuellement, les dépenses de promotion représentent entre 1,2 % et 1,6 % des coûts totaux du système de santé. Ch. Moeckli : En investissant dans la prévention, il est néanmoins certain que nous pourrons éviter des frais qui surviendraient de toute façon après coup et nous améliorerons la qualité et l’efficience de la prise en charge des patient·e·s. Ce qui est, en soi, l’un de nos buts premiers.

 

Ambition

Dans 5 ans, l’HRC sera reconnu comme le centre de compétence régional, un partenaire de confiance qui contribue de manière proactive à la bonne santé de la population et à une meilleure orientation du·de la patient·e au sein du réseau.